Etienne et l’ASCOFAM

Parler de l’ASCOFAM, c’est certes parler du climat intellectuel de l’après-guerre, mais c’est, avant tout, aborder la figure de Josué de Castro. Il est professeur de géographie

humaine à l’université de Rio de Janeiro et directeur de l’Institut de la nutrition. Il devient président du conseil de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (F.A.O.) en 1951. Dans Géographie de la faim (1951),  Josué de Castro va faire un parallèle entre la sous-alimentation et les cultures industrielles et commerciales, notamment le régime de monoculture typique de certaines formes de colonisation. Il décide donc de créer une association pour lutter contre la malnutrition, l’ASCOFAM.

L’ASCOFAM pourrait capter l’intérêt et mettre des ressources à la disposition des personnalités et des institutions véritablement soucieuses de résoudre un problème aussi grave dans tous les pays du monde[1] »

En Europe, dans ces années d’après-guerre, la solidarité va petit à petit se teinter d’une dimension réparatrice et regarder du coté des sociétés coloniales ou post-coloniales. Cette orientation est avant tout celle de chrétiens. Il faut ainsi évoquer le père Lebret et Economie et humanisme. Mais également le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD – 1966) qui prend naissance en 1961. Entre les deux, il y a Emmaüs. Crée en 1954, après le célèbre appel, et centrée sur l’hexagone, elle va très vite accueillir en son sein l’Institut de recherche et d’action contre la misère mondiale (IRAMM) dont l’objectif est  la formation de volontaires pour le Tiers-Monde (elle deviendra autonome en 1957). En 1956, l’infatigable abbé Pierre deviendra le cofondateur, au coté du père Lebret et de Josué de Castro de l’ASCOFAM, l’Association mondiale de lutte contre la faim, une organisation de recherche et surtout de sensibilisation. Tout ce courant « montre l’évolution des consciences : le plus souffrant n’est plus dans les société développées, mais dans le Tiers-monde[2]« . En même temps, le projet de l’ASCOFAM est résolument mondial, une grande nouveauté à l’époque et qui préfigure nos actuelles ONG internationales. Pour Paul Houée, une des raisons qui peut expliquer ces liens entre la France et le Brèsil, est à chercher dans l’organisation dominicaine qui fait dépendre la « vice-province dominicaine brésilienne de la tutelle de la province de Toulouse, à la différence des dominicains des autres pays d’Amérique latine, liés en majorité à la province espagnole[3]« . Cela expliquerait la diffusion de la pensée de Lebret et de sa revue Économie et Humanisme en Amérique latine.

Beaucoup de personnalités se penchent sur le berceau de l’ASCOFAM, outre le père Lebret et l’abbé Pierre. On peut citer (dans le plus total désordre) Tibor Mende, René Dumont, Albert Schweitzer, Raymond Schevein, Louis Maire, Kuo-Mo-Jo, Paul Martin, Lord Boyd Orr, Max Habitch[4]. Mais aussi Paul-Henri Spaak et Maurice Schumann, voire, après 1966, Alfred Kastler, prix Nobel de physique 1966, qui prêtera son nom au comité de patronage.

En France, Étienne Crémieu-Alcan est l’animateur de l’ASCOFAM[5], l’association ayant pour premier président Robert Buron[6].

Dans l’état actuel de mes recherches, j’ai peu d’information sur la vie de l’association. Le 29 janvier 1960, un Arrêté du ministre de l’intérieur  indique  la création de l’Association mondiale de lutte contre la faim (A.S.C.O.F.A.M.) dont le But est de « promouvoir, encourager, organiser dans le monde la lutte contre la faim » (Autorisation enregistrée à la préfecture de police le 12 février 1960). Elle a son siège social au 12, rue du Regard, à Paris. Deux ans plus tard, l’association change de nom et devient l’Association française de lutte contre la faim (Ascofam française) (Déclaration à la préfecture de police de 5 mars 1962). Son siège social est au 10, avenue d’Iéna, Paris. Commence alors une vague de déménagement. Le 11 septembre 1963, elle part au 48, rue Saint-Lazare, Paris, puis au  92, avenue de Neuilly, Neuilly-sur-Seine (3 décembre 1964). L’année suivante, elle revient à Paris, au 82, rue Saint-Lazare, (10 juillet 1965). Au bout de 7 ans, nouveau déménagement pour le 49, rue de la Glacière (27 mai 1972). Toujours en mai, deux ans plus tard, les bureaux sont installés au 9, rue Guénégaud, dans le sixième arrondissement (13 mai 1974). Je n’ai pas trouvé d’autres traces.

Différents noms pour un unique acronyme :
– Associação Mundial de Luta Contra a Fome

– World Association for the Struggle against Hunger
– ASCOFAM ASsociation mondiale de la lutte COntre la FAiM.

 

 

[1]Manuel Ouviña García, Josué de Castro (1908 – 1973) Biografía intelectual, científica y política de un luchador contra el hambre, Tesis doctoral de Dirigida por Josep Maria Salrach Universitat, Pompeu Fabra Barcelona, 2017, p. 301. Il s’agit d’une citation de Josué de Castro, El libro negro del hambre, ed. Universitaria, Buenos Aires, 1971, p.  93.
[2]Jay Rowell, Anne-Marie Saint-Gille, La Société civile organisée aux XIXe et XXe siècles : perspectives allemandes et françaises, Presses Universitaires du  Septentrion, 2010 – p. 369.
[3]Paul Houée, Louis Joseph Lebret Un éveilleur d’humanité, Editions de l’Atelier, 1997, p. 135.
[4]Cité par Lima Eda S. Quantidade, qualidade, harmonia e adequação: princípios-guia da sociedade sem fome em Josué de Castro [Quantity, quality, harmony and adaption: the guiding principles of a society without hunger in Josué de Castro]. Hist Cienc Saude Manguinhos. 2009 ; 16(1) :171-194. Doi:10.1590/s0104-59702009000100011.
[5]Une association de lutte contre la faim qui a « des ramifications dans beaucoup de pays, dont la France où elle est animée par Étienne Crémieu-Alcan », Louis Périllier, Demain, le gouvernement mondial ?, éd. Jean Grassin, Paris, 1974.
[6]Paul Houée, Louis Joseph Lebret Un éveilleur d’humanité, Editions de l’Atelier, 1997, p. 150.

Auteur : Crémieu-Alcan

Professeur en collège, Docteur en Histoire. Travaille sur les usages pédagogiques du web 2.0. Anime la classe Médias du collège Dupaty (une classe PEM) Site Perso : miscellanees33.wordpress.com, Les100livres.wordpress.com

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